Bernard Schorderet: 10 ans de peinture

Publié le par bgb-bbg

Le 14 novembre 1988, Bernard Schorderet au Foyer du Musée, Savoir rester inquiet,

 

 

Au Foyer du Musée d’art et d’histoire, Bernard Schorderet contemple l’arrêt sur image de dix ans de travail d’atelier, étonné de se trouver devant des « facettes de soi » étalées au regard de tous. « J’expose si peu et je suis tellement habitué de les voir dans le désordre de l’atelier… »

 

1918, novembre. Bernard Schorderet nait quelques jours avant l’armistice. « Je suis de la génération de la guerre : en 1945, on n’avait pas de toile et la toile continue à m’impressionner aujourd’hui, je suis plus à l’aise avec le papier ; la gouache est une technique que je maitrise, elle permet la mise en valeur des blancs du papier ».

 

Son parcours ? Pour le dire, il prend l’image du ver dans le bois qui avance et tourne, s’arrête et repart ailleurs. « Savoir se mettre dans un état non d’écriture automatique mais de spontanéité et peindre la nature comme une entité ; au-delà du bouton de rose, la main se promène, essaie les complémentaires, pratique les essais de ton, la lumière est dessous, le sombre fait éclater les clairs ». Atteindre la lumière-couleur, comme Chardin qui emprisonnait la couleur dans la densité colorée, comme de Staël qui la saisit au filet. Du bleu ardoise à la respiration des blancs, du piton rocheux accroché au ciel ocre à la claie de roseaux qui fait écran lâche à la lumière sous-jacente, tout est rapport. Il n’y a pas de fond et motif, il y a les bonheurs des rapports réussis, du parler juste puisque la peinture est langage.

 

Un langage que Schorderet maitrise aujourd’hui si bien que sa minutie évolue vers une plus grande liberté du geste. « J’aime essayer ce que je ne sais pas faire, j’aime me retrouver toujours complètement démuni au départ, sans trucs, sans pense-bête, prêt à me casser le cou…ce qui arrive. Je suis en train d’accéder à l’âge idéal où je vis en pensée de peindre ». Tout le ramène à la peinture, ses lectures « j’aimerais peindre comme Julien Gracq écrit » : la musique « j’ai trois postes de radio toujours branchées sur les classiques » comme ses fréquents séjours à Paris, la ville de sa vie comme on dit la femme de sa vie où il retrouve les peintres qu’il aime dans les musées et les galeries, et dans les cafés, où le rejoignent ses vieux amis du temps de la Grande Chaumière « je m’y sens si bien dans mon anonymat ». La solitude c’est plutôt à Fribourg qu’il la vit, solitude féconde de l’atelier, solitude de l’artiste peu porté vers la vie mondaine.

 

Observateur attentif des modes et des mouvements artistiques, Bernard Schorderet n’avoue que deux amours, Bonnard « on salive devant un Bonnard, il est tellement sensuel » et Braque « c’est un moderne classique qui est sans outrance ». Les autres il suit leur évolution à travers les expositions comme Picasso qui « louchait sur ceux qui ouvraient des portes ». « Je ne peux peindre autrement que je ne suis ». « Ce qui conditionne ma vie, c’est la recherche de l’homme en moi ». Il a été attiré par les Chartreux de la Valsainte. « Je connaissais bien Dom Barras, l’ancien prieur qui vient de mourir, nous discutions beaucoup, j’ai une lettre de lui où il commente les vitraux que j’ai réalisés pour la Chapelle des Frères » : trois colonnes lumineuses sur un fond bleu, engrenage de formes au rythme calme, la foi, l’espérance et la charité. S’il y a  recherché la plus grande simplicité en accord avec l’esprit de la Chartreuse, il a pris une toute autre option, plus tard, dans le vitrail de Marsens, tapisserie de verre d’une grande luxuriance, orchestration d’une vie foisonnante, d’une jubilation mesurée.

 

« Le mystère de la réussite qui peut l’expliquer ? C’est pas moi, c’est quelqu’un qui est derrière moi. Etre le plus large possible, exiger le maximum de soi, oui, mais il faut savoir rester inquiet
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