Hangar pour grandes toiles suspendues

Kunsthalle à Corserey, le 21 juin 1988. Artistes dans un « hang’art »

Le canton n’a pas de grandes halles d’usines désaffectées pour les artistes qui travaillent dans le grand format mais les communes ont parfois un hangar à tabac, vide entre deux récoltes, où il est possible de suspendre des toiles de huit mètres de hauteur.

C’est ce qu’ont fait à Corserey deux jeunes peintres, Monnier et Dubois qui ont invité le ferronnier d’art,Louis Sugnaux. Son Marathonien a déjà accueilli plus d’une centaine de visiteurs dans cette Kunsthalle improvisée : habitants ravis du village, avant-gardistes et élèves des Arts visuels envieux de ce bel espace où se balancent les toiles.

Comment Dubois qui avait exposé de tous petits formats à la Spirale l’hiver passé, a-t-il pu s’éclater ainsi en six mois ? Son geste court et contrôlé d’alors s’est amplifié sur des mètres carrés constitués d’enveloppes assemblées par des bandes adhésives dont quelques rabats clignent comme des paupières. Mouches et virgules serrées s’étalent en pointillisme contrasté sur des tapisseries qui ondulent dans les courants d’air. Feux d’artifice des couleurs chaudes, cartes météo de couleurs froides sur papier photographique, les masses colorées pour primaires qu’elles soient font un effet grandiose.

En contrepoint, les histoires en graffitis de son compère Monnier font défiler dix petits nègres dans un jardin des merveilles, bleus, verts, soufre selon un itinéraire de lignes ondulées tandis que d’autres silhouettes filiformes glissent entre des tentes d’Indiens. Le très doué artiste nomade qu’est Monnier peint aussi un entrelacement d’angles colorés qui marquent les mouvements des marcheurs ou des silhouettes monumentales sur fond de viaduc, gesticulant avec leur double.

Plus futé qu’un titre, plus audacieux que la coiffe d’Indien qui se prolonge pour entourer les mouvements stéréotypés des guerriers joueurs, choisir un hangar pour faire un tabac pourquoi pas ? La nuit de la Saint-Jean est pleine de surprises.